Ma course contre la montre Casio

Dans ce récit de voyage, le Vaudois Alexandre Friedrich nous balade aux quatre coins de la planète, sur les traces de sa montre fétiche. On adore.

Je ne devrais pas le dire, mais j’ai failli arrêter ma lecture au bout de la première page. Pour une broutille. L’utilisation du mot gargote à trois lignes d’intervalle. Ca me posait un problème de proximité. Mais c’eût été dommage, car ce récit d’Alexandre Friedrich, écrivain, philosophe, afficheur vert, a tout de la pépite.
Parce qu’il est auteur de théâtre, on peut dire qu’il s’agit d’un récit en huit actes, tous tournant autour du même objet symbolique, à savoir une Casio DW-5900. C’est une montre. Antichoc. Elle est au centre de ce livre, alors même qu’elle n’en est réduite souvent qu’à un détail anecdotique, presque un gimmick comique. Car, au départ, de montre il n’en est pas question. Lui, auteur-baroudeur accompagné d’un pote Jocelyn et de son amie Olofso, est en Thaïlande pour un voyage comme tant d’autres. On est dans le récit de voyage, la tête dans le Lonely Planet et l’esprit rempli d’images toute faites. L’écriture est vivante, le style oscille à merveille entre l’informatif façon guide touristique et la prise de notes travaillée jusqu’à l’os, réduite à l’essentiel. Reste que le récit décolle vraiment quand l’auteur dégote par hasard sa Casio. «Mais au milieu des cartons il y avait la table, et sur le coupon de velours, cette boîte vitrée qui contenait les objets précieux: coupe-ongles, gourmettes, bagues, boucles, même des dents, et la montre, la Casio». On découvrira plus tard pourquoi elle revêt tant d’importance. Mais ce qui est sûr, c’est qu’elle va le rendre chèvre au point de tourner bourrique. Quand on se rend compte de l’importance d’une notice d’utilisation et de ces petits détails de l’existence sur lesquels on vient buter de façon plus qu’entêtée. Car si lui va faire le tour du monde, sa montre ne sera jamais la même. Car il va la perdre du côté d’Ulu Watu (Indonésie), la racheter à La Paz, se la faire gauler par un policier syrien pour retomber dessus dans une boutique new-yorkaise… Ce serait à y perdre le nord, si le récit ne voyait pas plus loin que le bout de ce cadran. Mais l’aventure est épique, pleine de rebondissements dramaturgiques et réservant un drôle de bestiaire en guise de seconds rôles… vingt bonzes thaïs, une poignée de surfers cherchant le grand frisson, un faux professeur de français, un pote helvète qui vient se taper l’incruste. On se croirait dans le Candide de Voltaire. On a aimé, et peut-être qu’on irait bien lui chiper, sa Casio, histoire qu’il reprenne son tour du monde effréné. (mp) 

 

Histoire de ma montre Casio, Alexandre Friedrich et Pascale Favre, Ed. art&fiction (http://artfiction.ch et www.affichagevert.ch)