Bandes littéraires (4): Jean Guidoni

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Chaque premier lundi du mois, Olivier Horner nous parle d’un album aux accents littéraires. Cette fois, c’est une figure des marges, Jean Guidoni, qui pervertit un Prévert méconnu.

Il a beau reprendre Prévert, ce n’est pas pour emprunter le chemin des «Feuilles mortes» balisé par Gréco et Montand ou, indirectement, par Gainsbourg. Jean Guidoni, lui, préfère des chansons aux tonalités plus sombres, parfois surréalistes, telles «Chasse à l’enfant», «Maintenant j’ai grandi» ou «Etranges étrangers» qui a donné son nom à un album paru début 2009. Le chanteur français y cultivait encore le décalage propre à son parcours atypique depuis plus de trente ans.
Depuis ce moment charnière du début des années 1980 qui marque le réel départ artistique d’un homme évoquant alors sans fard l’homosexualité tout cuir, la pornographie, la nécrophilie. L’époque d’un répertoire des marges qu’en scène, grimé de blanc et vêtu de noir avec bas résille en prime, Guidoni interprète dans des scénographies interlopes héritées des atmosphères cabarets du Berlin des années 1920.
Avec lui, Prévert prend donc logiquement des airs plus blafards. En treize chansons, le poète devient le chantre d’une gamme de noirceurs que Guidoni sait restituer avec la justesse de son timbre charbonneux évoquant un mélange entre Lavilliers et Nougaro. Depuis 1989, où Guidoni avait déjà repris Prévert sur scène, les textes du poète ont continué de le hanter. Marqué par l’univers noir de Prévert, son regard lucide sur le monde et la dimension cinématographique de ses textes, Guidoni le reprendra ainsi souvent durant les rappels de ses concerts. Avant de s’y consacrer tout entier dans cet Etranges étrangers au parfum de souffre et aux climats cinématiques. (oh)


Jean Guidoni chante Prévert, Etranges étrangers (Edito Musiques)