Mais, au fait, c’est quoi la guerre ?

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Grincements de dents en Afghanistan. Tout juste rentré de la guerre, la vraie, Phil Klay se raconte en vert (militaire) et contre tout. Un recueil de nouvelles auréolé du National Book Award.

A peine rentré d’un déploiement entre l’Irak et l’Afghanistan au sein du corps des Marines, Phil Klay raconte la guerre. Sa guerre, là-bas. Pas tant dans le but de nous faire comprendre, à nous, simples civils qui suivons l’actualité à la radio et nous gavons d’images aussi insoutenables que répétitives que dans l’idée que ces douze nouvelles, qui s’enchainent comme autant de chapitres reliés par l’absurdité de ces conflits, nécessitent un regard neuf, polyphonique.
« 50% d’ennui, 49% de terreur ordinaire et 1% de terreur pure »
Mais au fait, c’est quoi la guerre ? Un savant pourcentage d’ennui et de peur. Ou on rencontre autant d’histoires qu’il existe d’individus : Il y a ce jeune soldat qui, de retour au pays, essaie de se convaincre que la vie est plus sensée auprès de cette fiancée candide qui le regarde désormais comme un extraterrestre doublé d’un mercenaire. Et puis l’autre, qui abat sa première victime sous le regard admiratif – et déjà vicié – de ses camarades de section, ce qui le laisse littéralement sans voix. Et encore l’autre, l’aumônier, celui qui recueille les confessions décousues des hommes en détresse, mais aussi des bêtes, de ceux qui prennent leur pied en tirant sur des haiji, les musulmans à abattre, l’ennemi, en bref. Au milieu de ce marasme, quelques héros, aussi, en quête de médailles ou de reconnaissance, ceux qui bravent leur peur pour sauver un camarade et à qui on dédiera un discours de circonstance interchangeable.
Les actes de bravoure se ressemblent tous, à la longue, nous rappelle Klay sans une once de cynisme. Ce qui ne les rend pas moins dénués de sens une fois la mission terminée. Car tous, à des degrés divers, finissent victimes du PTSD (post traumatic stress disorder), alcooliques ou accros aux antidépresseurs, espérant sans trop y croire remettre un semblant de normalité dans leurs existences.
« Le film contre la guerre n’existe pas. »
A force de tourner les pages, on comprend sans comprendre, on imagine sans voir, parce que des récits de guerre, on en a déjà lus et parce que des images de soldats torturant ou torturés, ce n’est pas ça qui manque. Or, il y quelque chose d’à priori indicible que Klay dévoile ici sans pudeur, avec humour parfois, ce qui n’empêche pas de grincer des dents. Quelque chose qui donne à ce texte une force rare. (sbr)

Fin de mission, Phil Klay, éditions Gallmeister, 320 p., www.gallmeister.fr
9782351780831FS w-3PcKXZ