Number one – Le 1, ou comment combattre le numérique

critiques

Une feuille aux multiples ramifications et un seul sujet d’actualité par numéro. Le 1 marque sa différence et démontre que les idées et le politique doivent réinvestir les bistrots et kiosques à journaux.

Il suffit d’évoquer son nom pour que quelques associations surgissent, au gré des intérêts des uns et des autres : Eric Fottorino. Ancien patron du Monde, écrivain de la mémoire (du père surtout) ou encore féru cycliste et admirateur du Tour de France, chacun a « son Fottorino ».
Et le voilà qui produit un hebdomadaire pour le moins singulier, Le 1, au format papier pour aller à contre-courant et prouver que oui, il est encore possible de s’attabler au bistrot pour déployer un journal et gêner un peu son voisin. L’objet se présente de la façon suivante : une feuille immense qui, grâce à un pliage en trois, trouve un format agréable dans un premier temps, conventionnel au premier dépliage, puis franchement encombrant au troisième. Pour ceux d’entre vous qui auraient connu le syllabus à ses débuts, une larme de nostalgie s’impose… Pour rappel, c’est dans les cuisines des rédacteurs que le syllabus papier était plié à la règle, un par un, des heures durant, avant d’être transporté dans des sacs Migros et distribué dans les lieux culturels de la ville de Genève.
Une feuille remue-méninges
La feuille se veut « indépendante, respectueuse de l’environnement et vierge de toute publicité », d’où un cruel besoin de lecteurs. Et quid des contenus ? Prenons le n°33 consacré à la consommation carnivore et à l’usage que fait l’être humain de ses semblables dépourvus de langage. Le sommaire nous avertit : ça va pas être drôle de se pencher sur l’élevage de masse, sur l’alimentation des porcs, leur abattage et j’en passe. Par contre, ça va nous remuer les méninges et nous contraindre à quitter ce conformisme petit-bourgeois qui nous fait hurler au scandale dans un premier temps. puis oublier aussi sec ce que nous venons de lire ou de voir sur nos écrans. Notamment cet article de Sylvain Tesson, prix Médicis essai, qui, dans une nouvelle de 2009 assène à la première personne : « Nous avions inventé un élevage ou l’animal est l’ennemi. Aujourd’hui, l’éleveur abaisse. Nous avons rompu l’équilibre, trahi le lien charnel. » Et de répéter : « Je ne veux plus entendre leurs cris (ceux des porcs). Je ne peux plus les supporter. ». C’est à vous ficher la chair de poule et à vous demander comment, demain, vous allez cuisiner votre poulet pas trop fermier.
Une heure top chrono
Vous l’aurez compris, Le 1 se veut militant, œuvrant contre la pensée molle, faisant tomber quelques œillères que nous ne rechignons pas à porter pour rendre la vie moderne supportable. Il s’articule autour d’un seul sujet éclairé par différents intervenants (journalistes, écrivains, dessinateurs, etc.) et devrait être lu de pied en cap en moins d’une heure. Et s’il est certain que Fottorino dispose d’un réseau titanesque, il n’est pas dit que ce défi-là soit si simple à relever. Ce qui mérite un coup de chapeau et un petit abonnement de soutien ! (sbr)

Journal Le 1, tous les mercredis, http://le1hebdo.fr/

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