Western moderne cum equus ou cum pedibus

Deux westerns psychologiques révélant le côté humain des cowboys, et une balade éclatante dans les Etats-Unis d’aujourd’hui et d’hier. À pied ou à cheval, selon que l’on suive les frères Sisters ou Mack et Vonnie.

De quoi ça parle ?
1. D’un chasseur de tête et de son grand frère, l’un cowboy sensible et romantique, l’autre brute sans cœur et sans tabous, et du voyage qu’ils entreprennent pour honorer la mission que le mystérieux « Commodore » leur a confié : descendre le chercheur d’or Herman Kermit Warm après lui avoir extorqué son secret pour révéler l’or des rivières de l’Ouest.
2. D’un couple à la dérive qui tente la randonnée de la dernière chance pour recoller les morceaux. Délicate entreprise dans la nature sauvage du Wyoming où se dissimule ours bruns, braconniers et restes de drone tombé entre les sapins. Les chevaux ne font que passer. Et l’amour ?

Pourquoi peut-on en parler comme de westerns modernes ?
1. Ces frères Sisters, criminels historiques de l’ampleur de Bonny & Clyde, ne cessent de nous surprendre par leur approche de l’existence et de la valeur qu’ils donnent à ceux qui finissent sous la pointe de leur fusil. Eli se désole de voir des hommes partir en fumée, mais ne peut s’empêcher de leur faire la peau, puis pour se racheter une conscience, il remplit les poches des prostituées en espérant le mariage. Quant à Charlie, l’ainé, il dégaine à tout va et viole ces dames pour éviter de payer. Deux personnalités en miroir qui, malgré un mépris réciproque, se vouent une fidélité sans borne. Le rythme est lent, le suspense pourtant haletant et les réflexions du cowboy qui découvre les bienfaits de la brosse à dents tout simplement inouïes.
 2. Mack, sombré dans le transport de drogues et autres magouilles jusqu’à en perdre son ranch et user la patience de sa femme, ressort de prison prêt à oublier ses dérives. Contre toute attente, Vonnie le rejoint pour une randonnée pèlerinage sur les lieux escarpés qu’ils connaissent bien. Quelques jours pour pêcher, loin de l’alcool et des tentations de la ville, quelques heures pour sauver des sentiments écornés par les mensonges. Or Mack, en mission pour renflouer ses dettes, suit un signal sur son téléphone portable. Là-bas, dans les tréfonds de cette montagne sauvage, un avion est tombé. À lui de le localiser, contre un paquet d’argent. Ceux qui recherchent les débris ne plaisantent pas et à mesure que le couple progresse dans la végétation, on entend les premiers tirs.

Quels sont leurs autres points communs ?
Le décor, les chevaux que l’on vend, échange et achète au détour d’un saloon, ceux qui apparaissent au détour d’un sapin sans monture. Les nuits à la belle étoile et les boîtes de red beans cuites dans le feu, l’appât du gain comme un Graal irrésistible, cette ambiance solitaire toujours à fleur de peau.

Pourquoi on aime ?
Parce que ces romans, à lire dans la foulée, sont capables de tenir éveillé le plus épuisé des lecteurs. Une écriture qui surprend, des dialogues épurés et crédibles bien loin des chichis sentimentaux que se permettent certains auteurs pour nous arracher des larmes de crocodile. De l’émotion, réelle et brute. Comme au Far West. (sbr)

Les frères Sisters, Patrick deWitt, éd. Actes Sud, 368 p., www.actes-sud.fr
Le signal, Audur Ron Carlson, éd. Gallmeister, 240 p., www.gallmeister.fr