Lydie Salvayre, entre franquisme et fra-gnol

3 raisons

suivre Montse dans sa découverte enivrante des premiers mois d’une « revolución » qui déboucha sur la Guerre civile espagnole à l’été 1936.

1. Primeramente pour ce fra-gnol délicieux que Lidia Salvayre met dans la bouche de sa mère, Montse, adolescente exaltée par les débuts de la guerre et qui « se racorde » et raconte 75 ans plus tard, cette guerre qui éclata « à pic nommé » et représenta pour elle l’unique aventure de son existence, lui permettant à la fois de s’émanciper sexuellement et de vibrer au son des idéaux libertaires.
Ce parler, étrange mélange de castillan chaste et de français ambitieux (Montse veut rendre grâce au pays qui l’a accueillie sur le tard), rythme un texte débordant d’énergie. Et pour peu que l’on ait dans sa propre famille ou son entourage des Hispaniques, on ne pourra que sourire devant les torsions lexicales et syntaxiques que la désormais très âgée révolutionnaire fait subir à la langue. Un régal.

2. Segundamente, car il est bon de rappeler que cette guerre qui termina par la victoire des Nationalistes pour déboucher sur 35 années de dictature franquiste commença bel et bien par l’euphorie d’une jeunesse ivre d’idéaux, prête à se lancer à corps perdu dans un combat contre la rigidité des sociétés de privilèges. Et qui, si le soufflé, empoisonné par les classiques perfidies de la guerre, retomba vite, il n’en laissa pas moins des traces profondes dans la mémoire de chaque individu.

3. Terceramente, parce que le récit croisé que propose Salvayre entre les souvenirs de sa mère et les considérations visionnaires anti-fascistes de Georges Bernanos scande les émotions des uns et des autres. Les mises en garde de l’écrivain contre l’opportunisme, la quête effrénée du profit, la déshumanisation et l’élimination de toute vie spirituelle résonnent dans les choix aussi immatures que passionnés que font les jeunes du village de Montse. Déboutés ou vainqueurs, c’est au son d’un même cri qu’ils se battent : ¡Para que viva la libertad! (sbr)

Pas pleurer (Prix Goncourt 2014), Lydie Salvayre, Ed. du Seuil, 278 p., www.seuil.com
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