Tirés comme des Lapons

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Les Lapons sont aux pays de Nord ce que les Aborigènes sont à l’Australie. Un peuple légitime, mais gênant. Truc et Pettersson nous plongent dans l’univers des Samis, entre traditions et qu’en dira-t-on.

De quoi ça parle ?
1. Hammerfest, à l’extrême nord de la Laponie, est le Dubaï de l’Arctique. Une région polaire où les minerais pulullent et où les appétits économiques ne font que grandir en conséquence. Dans ce port de pêche où les plongeurs de l’industrie pétrolière font figure de stars, les transhumances de rennes sont considérées comme des rites d’un autre âge, et les éleveurs samis qui les mènent comme des emmerdeurs de premier ordre. C’est dans ce contexte de querelle ancestrale entre anciens et modernes que le jeune Erik Steggo trouvera la mort, noyé. Le premier d’une longue liste.

2.
Kautokeino est une petite ville de la Laponie norvégienne, au cœur du Finnmark. Un bled polaire où les paysages rivalisent de blancheur et où les non-dits semblent peser comme des marteaux de Thor sur différents petits arrangements entre familles. Dans ce trou où les éleveurs de rennes sont perçus comme d’authentiques bouseux vêtus de costumes kitscho-traditionnels, les rites ont la vie dure. C’est dans ce contexte d’incompréhension entre deux mondes qui se regardent en huskies de faïence que Nils Mattis, éleveur de son état, est accusé de viol, puis suspecté de meurtre. Le premier d’une longue liste.

Qui c’est le héros ?
1. Ils sont deux, en fait, appartenant à la peu valorisée police des rennes. Nango Klemet est le Lapon de service, Norvégien contrarié et dépositaire des us et coutumes de son peuple, quand Nina est la jeunette, toute droit montée de la capitale, Oslo.
Que ce soit à dos de scooter ou au fond d’un gumpi, ils se tournent autour pour l’instant. A leur rythme, placide et pointilleux, ils font ressortir des histoires enfouies et pas très jolies.

2. Anna Magnusson est une jeune subtitut du procureur de Stockholm et accessoirement la cousine du présumé violeur. Alors que sa famille l’a quémandée pour défendre son honneur, voilà qu’elle va donner un coup de pied dans la fourmilière et réveiller de vieilles histoires pas bien belles.

Pourquoi on aime ?
1. Parce qu’Olivier Truc, installé à Stockholm, est aussi documenté qu’habile. Journaliste de son état et documentaliste à ses heures, il s’appuie sur des faits (ex.: www.liberation.fr/cahier-special/2004/08/04/sur-la-piste-des-coupeurs-d-oreilles_488345) et réussit à donner beaucoup de profondeur à son récit en multipliant les pistes sans pour autant faire dans le spectaculaire. Lire un Truc, c’est partir à la découverte d’un monde caché, ignoré, où l’intrigue policière n’est là que pour servir d’alibi, l’important résidant dans la place qu’il donne au peuple sami. Le genre de polar sociétal qui embrasse une cause. Genre #JeSuisSami

Pour quoi on aime moins ?
2. Parce que Lars Pettersson a d’abord pensé son roman comme un scénario et que cela se sent. L’intrigue prend du temps à se mettre en place, l’amourette entre la substitut et le jeune policier féru de ski de fond est aussi crédible qu’une idylle entre Sandra Bullock et Ryan Gosling, mais il y a une vraie précision quant aux us et coutumes locaux. Pour le reste, on aurait presque envie d ele renvoyer au Dernier Lapon, le premier Olivier Truc ! (mp)

Le détroit du Loup, Olivier Truc, Métailié noir, 410 p., editions-metailie.com
La loi des Sames, Lars Pettersson, Gallimard / série noire, 441 p., www.gallimard.fr

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