Kim Novak et les vertiges de l’amour

critiques

Un polar suédois torride ? Si, c’est possible ! Ou comment deux ados découvrent que la vie d’adulte n’est pas toujours drôle.

L’année de ses quatorze ans, Erik voit pointer quelques surprises qui annoncent que « l’été sera rude ». Si ces mots, sortis de la bouche de son père, se réfèrent davantage au cancer en phase critique de sa mère, lui pressent une catastrophe d’un autre type. De fait, c’est sur un ton quasi solennel qu’il apprend qu’il passera l’été à Tibériade en compagnie de son frère, de huit ans son ainé, et de son camarade de classe Edmund, dont il ne sait trop quoi penser. Rien d’alarmant en soi. Sauf que.
Livrés à eux-mêmes dans une bicoque familiale située au bord d’un lac, Erik et Edmund s’efforceront de trouver leur voie vers l’âge adulte, avec pour modèle un grand frère aspirant écrivain et dragueur confirmé qui n’a que peu de temps à leur consacrer. Prisonniers de leurs corps d’adolescents, les deux garçons vont développer une amitié inattendue, partageant à demi-mots leurs traumatismes d’enfance (ici une mère alcoolique, là un père violent) et fantasmes érotiques dont l’objet central ne sera autre que le sosie de Kim Novak. Cette femme plus âgée, à la plastique parfaite et dotée d’une gentillesse troublante, surgira au gré des hasards, mettant Erik au supplice du désir charnel.
Une économie de mots et de morts
Maniant le suspense en maître du polar (on compare volontiers Nesser à Mankell), il faudra patienter que se mettent en place les éléments de cet été formidable avant de sombrer dans l’intrigue d’un meurtre qui apparaît finalement comme anecdotique. La « catastrophe » annoncée dans les premières pages tarde à venir et c’est plutôt plaisant. Car Nesser, contrairement à d’autres auteurs nordiques, se passe des membres glacés retrouvés dans un congélateur pour captiver son lecteur.
 C’est plutôt grâce à sa plume agile que l’on plonge dans l’univers immature d’Erik, qui, bien que désormais adulte, reste capable de se remémorer les émois de son adolescence avec une justesse de ton qui rendrait nostalgique le plus dur d’entre nous.
Dans le lot, citons un excelle
nt passage, celui où Erik et Edmund, occupés à traverser à la rame le lac de Tibériade, ne s’autorisent que des phrases de deux mots maximum pour communiquer :

- Faire trempette ? a déclaré Edmund.
– Pourquoi pas ?
– Eau rafraichit, j’ai dit.
– Les pieds
, a précisé Edmund.
– Les jambes, j’ai corrigé.
– Les jambes, a consenti Edmund.
– Oui, exactement.
– Une tartine ? a demandé Edmund.
– Pas encore.
– Alors soif ?
– Oui, merci.
– Tchin-tchin.
– T chin-tchin.
C’est que la chaleur est telle en cet été 1960… qu’il est bon d’économiser les mots. (sbr)

Un été avec Kim Novak, Hakan Nesser, 282 p., éd. du Seuil (www.seuil.com)
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