Budaï et Patel, deux étrangers ballotés en terrain inconnu

Avec un avion comme point de départ, un fakir et un linguiste vont devoir survivre en milieu hostile. Mais c’est aussi un duel entre le low cost littéraire et la classe affaires auquel on a affaire là. Pour le meilleur et le pire.

De qui ça parle ?
1. De l’Indien Ajatashatru Patel, un fakir qui décide de voyager incognito en Europe afin d’y acquérir un lit à clous chez le géant suédois. En poche, il n’a qu’une fausse coupure de 100 euros imprimée d’un seul côté avec laquelle il va s’employer à tenir le plus longtemps possible, causant in fine quiproquos et imbroglios à deux balles.
2. Du Hongrois Budaï, un étymologue qui doit se rendre à Helsinki afin d’y tenir une conférence lors d’un congrès linguistique. En poche, il est au bénéfice d’un chèque de voyages qui va lui être converti en une monnaie inconnue et avec laquelle il va tâcher de vivre de mieux en moins bien, participant in fine à une révolution de l’ordre établi.

Pourquoi ça se ressemble ?
1. Parce que Patel, pour se faire comprendre, doit se dépatouiller avec un sabir proche du yogourth linguistique. Une sorte de mix entre onomatopées et europanto. Son parcours va se révéler d’un rocambolesque à la Rocancourt où notre fakir va passer par tous les états d’âme, du migrant chassé d’un peu partout à l’écrivain au succès impromptu. Une allégorie de la success story doublée d’une apologie du miroir aux alouettes comme ticket gagnant.
2. Parce que Budaï, même s’il parle une petite dizaine de langues et arrive à se débrouiller dans une autre quinzaine en se basant sur l’origine des mots, n’y comprend que pouic au parler local. Son périple ne va être qu’une longue descente aux enfers, étranger chassé d’un peu partout et obligé de s’adapter à un monde qu’il ne comprend pas. Une mise en abyme de la mécanisation du monde et des dictatures modernes, qu’elles soient militaires, économiques ou du bon goût.

Pour quoi ça n’a rien à voir ?
1. Parce que l’ambition narrative de Romain Puértolas tient sur un ticket de métro (peut-être parce qu’il l’a écrit dans le RER sur son téléphone portable) et que les blagues et autres jeux de mots vaseux qui émaillent son roman sont à peine plus consistants que les réparties d’une émission télé d’Arthur. Le genre de roman qu’on lit et qu’on jette, mais qui peut aujourd’hui se targuer d’avoir écoulé plusieurs centaines de milliers d’exemplaires.
2. Parce que le livre de Ferenc Karinthy est une Babel littéraire dont les recherches étymologiques et les questionnements cathartiques débouchent sur une réflexion sur l’origine du monde, mais aussi sur son devenir. Un roman qui a connu un grand succès lors de sa parution en 1970 et qu’un éditeur n’a aujourd’hui de cesse de rééditer au gré de ses catalogues afin de lui offrir à nouveau ce coup de projecteur qui lui permettrait de dépasser les poignées d’exemplaires écoulés. (mp)

Epépé, Ferenc Karinthy, éd. Zulma, 285 p., www.zulma.fr
L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, Romain Puértolas, éd. Le Dilettante, 253 p., www.ledilettante.fr

9782843046605FS-1

9782842637767FS