La petite entreprise culturelle de Rafael Horzon

critiques

Génial touche à tout, Rafael Horzon est un entrepreneur qui enchaîne les faillites économiques et les vraies réussites artistiques. Avec son Livre blanc, il synthétise son oeuvre avec brio.

Si Rafael Horzon était un personnage de roman, on pourrait taxer son auteur de doux dingue idéaliste, opportuniste et vaguement « capimmuniste ». Mais Rafael Horzon existe bel et bien, il réside à Berlin, et tout ce qu’il raconte dans ce livre blanc est le récit de son existence. Bien remplie, quarantenaire, elle est celle d’un micro entrepreneur aux idées sitôt pensées sitôt mises en action – et on verra bien ensuite si l’une d’entre elles le transformera en nouveau maître du monde. Il crée les étagères « Moebel Horzon » avec l’idée de concurrencer la Billy du géant suédois ; il fonde une Académie des Sciences inutiles ; il inaugure une galerie qui expose des artistes qui n’existent pas ; il crée un magasin spécialisé dans le commerce de la tarte aux pommes ; il vient de produire un vinyl avec la rockeuse canadienne Peaches où il relance à nouveau ses étagères, preuve qu’il a de la suite dans les idées…
Lépine est dans la tête
Accumulatif et bourgeonnant, on a dit de lui qu’il était « le magnat de la Torstraße », « le Marcel Duchamp du projet de vie ». Il est une sorte de prince de la débrouille chic & chips, un protodandy qui cherche par tous les moyens à donner un sens à son existence, créant le buzz, fédérant autour de délires suffisamment crédibles pour que chacun ait envie de le voir comme un gourou 2.0 mi baba mi bobo. Toujours à l’affût de la bonne pensée, il se pose en instigateur de la Nouvelle Réalité : « Roulant à travers la nuit, j’eus un éclair de génie. Une idée d’affaire. Il fallait sans plus attendre fonder une nouvelle entreprise ! »
Il crée comme il respire, sur un coin de table, sur un coup de tête, Mark Zuckerberg du pauvre, mais tellement plus humain. Du reste, si David Fincher a déjà réalisé un long retraçant la naissance du réseau social le plus célèbre de la planète, Horzon ne va pas tarder à l’imiter. Jamais aussi bien servi que par lui-même, VRP de sa propre moustache. A ce propos, il assure son service après-vente, en anglais et en photos, dans un récent numéro de la revue apartamento (www.apartamentomagazine.com).
L’écrit est dans les gênes
Reste une chose néanmoins. Rafael Horzon a écrit un vrai bon bouquin, drôle, truffé d’anecdotes, manuel de survie dans le milieu arty des glorieuses nineties berlinoises, et diablement toujours valable aujourd’hui. Il le dit lui-même, « rien n’est fictif. J’ai reproduit la réalité comme un photographe ».
Si vous avez une pièce à miser, je trouve qu’il fait un bon cheval sur lequel parier. Ses étagères sont toujours en vente. Et son livre mérite de trouver une place dans sa bibliothèque. (mp)

Le livre blanc de Rafael Horzon, Rafael Horzon, éd. Le Tripode, 218 p., www.le-tripode.net & www.modocom.de

9782917084359FS