Le Z de fin des éditions B.ü.L.b comix

critiques

Une dernière boîte à surprises dessinées et voilà que le mirage éditorial incarné par cette maison d’édition genevoise tire sa révérence. Avec toujours autant d’exigence que d’élégance.

L’histoire est finie. Avec la publication du set Z de ses fameux 2 (w) BOX, la maison B.ü.L.b comix a clos cette série alphabétique et emblématique entamée il y a près de vingt ans et rassemblant une palette d’auteurs qui en font aujourd’hui un observatoire de la scène dessinée mondiale assez unique en son genre. En tout, la série compile finalement 136 bandes narratives qui se déplient sur des accordéons de papier pliés façon leporellos, dressant un panorama des arts dessinés passionnant où la contrainte du format a poussé les auteurs à l’introspection, à l’innovation, voire à l’expérimentation.
Une histoire de la bande dessinée mondiale
Pour cette dernière livraison, ils sont toujours cinq, provenant des quatre coins du monde. On ne saura jamais vraiment ce qui guidait les deux éditeurs de la maison B.ü.L.b dans leurs choix, tant la variété des styles et la multiplicité des univers apparaît déroutante. C’est certainement là l’une de ses forces. Ces boîtes au format d’allumettes sont comme des pochettes surprises. On achète et, même si les noms des auteurs sont tamponnés sur l’une des faces de la dite box, difficile de savoir à quoi s’attendre en son « fort » intérieur de papier cartonné. Quand le Japonais Yūichi Yokoyama déroule une narration stroboscopique faite d’onomatopées et de points de trame tel une relecture contemporaine d’un tableau de Roy Liechtenstein, le Suédois Jockum Nordström se fend d’une peinture rupestre entre bestiaire de basse-cour à l’aquarelle et souvenirs d’enfance faits de silhouettes découpées. Rayon bizarreries, notons la contribution de Blexbolex qui, loin de ses imagiers et autres histoires à double fond, nous donne ici à lire une histoire faite de clichés photographiques sur la base d’un « Je ne me souviens pas » qu’on peut imaginer emprunté à Pérec, voire à Prévert.
Parce que c’est la fin de l’histoire, cette série apparaît imprimée en quadrichromie. Un 2(w) se lit case par case, recto verso en général. Il peut aussi se déplier sur ses 350 mm de longueur et apparaître tel un retable moderne. Au moins. Le 2(w) énigmatique de Nicholay Baker s’offre, quant à lui, une performance « zoetropique », à savoir qu’en faisant se rejoindre les deux bouts de la bande et en plaçant celle-ci, de manière sphérique, sur un tourne-disques, les illustrations minérales et forestières de cet auteur « transnitréen » s’animeront d’elles-mêmes. Une manière de boucler la boucle. Et de garder longtemps dans un coin de sa tête ou de sa cheminée la douce utopie constituée par cette aventure aux allures de mirage éditorial. (mp)

2wBOX Set Z, Jockum Nordström, Yūichi Yokoyama, Elvis Studio, Blexbolex et Nicholay Baker, B.ü.L.b comix,
www.bulbfactory.ch/comix/

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