André Bucher, marcheur des bois

critiques

Dans un livre où la nature est partout présente, il nous livre un récit intimiste, épique et romantique, où la survie tient à peu de mots.

Il y a quelques années, dans une lointaine version papier du Syllabus, on avait chroniqué le premier livre publié d’André Bucher chez Sabine Wespieser : Le Pays qui vient de loin. Une grosse baffe à l’époque, et un amour immédiat pour cette vallée du Jabron, nichée près de Sisteron, hors du monde, mais tout son monde à lui. Depuis, on était parti sur d’autres coteaux, d’autres alpages, qui nous ont fait découvrir le Jura de Jean-Pierre Rochat, les Grisons d’Arno Camenisch, la vallée de l’Hongrin de Blaise Hofmann…
Retour à la nature
Sur un mode Walden / Thoreau, on aime se frotter à cette littérature de la nature où le langage des oiseaux vient se superposer aux mille et une essences végétales, où les rondeurs minérales viennent gêner le lent écoulement du ruisseau dans le calme d’un champ brouté par un troupeau de meuglantes à lait. Où l’homme doit faire face à la nature et aux épreuves qu’elle lui impose.
Sis au pays de Giono, Alpes-de-Haute-Provence, André Bucher écrit comme il travaille. Avec précision et une certaine économie de l’effort, préfèrant le mot juste aux belles paroles / aux gestes superflus, qu’il s’agisse de bucheronner, de déblayer ou de siphonner un conduit gelé. Son bagage textuel et sémantique le rapprocherait ainsi des Eskimaus qui possèdent une bonne vingtaine de mots pour décrire les différentes nuances du blanc les entourant et que lui semble utiliser toujours à bon escient.
De Mireille à Muriel
Dans cette réédition en poche, David déneige le ciel comme d’autres pelletent les nuages. Collecteur de petits riens, compilateur du quotidien, catalogueur d’humeurs météorologiques. Depuis la mort de sa femme Mireille, il s’est rapproché de Muriel. Depuis la disparition de Martine, fille d’icelle, il a perdu la trace de la sienne, descendue à la ville. Alors quand Antoine, son « fils de rechange » lui annonce sa venue pour la veille de Noël et que le temps se gâte, il part à sa rencontre. Coincé entre le blizzard et les hallucinations bizarres, il remonte le fil de sa vie, croise les copains du quotidien, ressasse les erreurs du passé, peine à se projeter vers l’avenir… mais toujours il avance. Solide sur ses jambes, fort dans sa tête. C’est une histoire de vie que Bucher nous raconte là, version masculine d’Un cœur simple, mâtiné d’une bonne dose de romantisme au coin du feu et d’aventures aussi épiques que celles tombées d’un canard de montagne. En choisissant de se dérouler sur une journée et une nuit d’hiver, ce livre contient une année d’existence dans chacune de ses pages. Ce qui, malgré sa relative maigreur, donne une vie bien remplie. De celles qui font grandir une fois le livre refermé. (mp)

Déneiger le ciel, André Bucher, Sabine Wespieser Editeur, 146 p. (www.swediteur.com)

9782848051970FS