Alessandro Mercuri est-il le Julian Assange du monde littéraire ?

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Avec « Le dossier Alvin », il nous offre une enquête maraboud’ficelles où archives déclassées, mythologie et pop culture s’orchestrent en un mélange aussi documenté que burlesque, aussi fictionnel que réel.

Attention ovni. Ou plutôt bathyscaphe. Voilà une histoire qui débute comme une séance de cinéma avec la diffusion du Dr. Strangelove de Kubrick éclairé à la torche d’une vestale de la Columbia et qui s’achève par une sentence van dammienne du 43ème président des Etats-Unis. Georges W. Bush. Où l’on retrouvera en autant de coups de vent brice de niciens l’assassinat de JF Kennedy, les Village People, une attaque de narval, la découverte de l’hirsute Galathée Yéti, la quasi exploration du Titanic et les 4’702 plongées effectuées dans le plus grand secret de fonds administrativo-abyssaux par Alvin, submersible doté d’invisibilité jusqu’à ce qu’Alessandro Mercuri se plonge dans son journal de bord déclassifié.
E la nave va
C’est là que commence l’aventure poético-fictionnelle, mélange d’art et de fiction (ça tombe bien, c’est la mission de son éditeur), entreprise de démystification d’une réalité tronquée où la vérité n’est jamais celle à laquelle on pourrait croire. On nous mentirait ? Le dossier Alvin, c’est un Wilikeaks passé à la moulinette d’un écrivain au moins aussi barré que la galerie de personnages qui transitent dans son bouquin. Reagan, Don Quichotte, Dr. No, Ursula Andress, Rita Hayworth. C’est que Mercuri est un fieffé manipulateur, le savant fou qui fait écho au héros kubrickien qui en ouvre le livre. Un as du collage et du détournement d’images. Un Julian Assange qui vous révélerait le sens profond de l’existence à coup de scoops plus invraisemblables les que les autres, à l’occasion « de missions classées « secret defense » qui ont modifié le cours de l’histoire de l’humanité et celle des poisons ». Où vous apprenez que tout est lié. Ca ne doit du reste pas être un hasard si les agents Fox Mulder et Dana Scully reprennent du service en cette fin d’année 2015.
« Né durant la guerre froide, Alvin, de son vrai nom Alvin DSV-2, est un submersible de la U.S. Navy, la marine de guerre des États-Unis ». Un bâtiment vaguement ventripotent, à l’esthétique mi Yellow submarine mi Barbapapa, plus Wes Anderson que commandant Cousteau, et qui pourrait être le sujet d’un film signé des inénarrables ZAZ (Zucker Abrahams Zucker). Il est surtout le prétexte à un déversement encyclopédicoludique où les grands fonds apparaissent comme des miroirs sans tain à ceux qui ne savent pas les regarder. A la fois enquête, roman, livre d’artiste bombardé d’images éclairantes, ce dossier Alvin est de ces bouquins qui vous donnent envie de repiquer aussitôt une tête dedans.
Par contre, il n’y a aucun rapport ou sens caché à imaginer avec le film Alvin & les Chipmunks. Enfin, à notre connaissance. (mp)

Le dossier Alvin, Alessandro Mercuri, 176 p., éd. art&fiction / coll. RE :PACIFIC (www.artfiction.ch)

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