Et au milieu… repose une jeune fille

critiques

Une enfant pas farouche se noie dans la Tamassee, rivière sauvage à la frontière entre la Géorgie et la Caroline du Sud. Qui la repêchera ?

A l’exception des deux premières pages qui racontent la noyade du point de vue de la jeune fille, le reste de l’histoire passe par le prisme de Maggie, une photographe reporter qui a quitté la région sans jamais parvenir à briser le lien qui l’unit à cette terre. Dépêchée sur place avec un journaliste expérimenté afin de couvrir le drame, elle découvre rapidement que les enjeux sont multiples, et d’une inextricable complexité pour celui qui ne connait pas les fonctionnements des habitants du coin.
Ruth Kowalsky, douze ans, ne s’est pas seulement laissée séduire par les eaux vives de la Tamassee, elle en est également restée prisonnière. Les plongeurs ont beau s’acharner à repêcher son corps, les jours passent et rien n’y fait. La famille désespère, les médias débarquent avec leurs caméras, les trafics d’influence se mettent en place afin de trouver un moyen de donner une sépulture à la petite. Et puisque le père est aussi argenté que respecté, il en appelle à une entreprise spécialisée dans les barrages mobiles.
La Tamasse, torrent d’émotions
Une solution qui pourrait convaincre, si ce n’était le label « rivière sauvage » obtenu par la Tamassee il y a peu et qui lui confère un statut d’intouchable. Le débat s’oriente alors entre des écologistes militants opposés à la structure éphémère, des émotifs qui revendiquent le droit au deuil et quelques indécis. Le tout se discute en assemblées générales houleuses sous l’œil de Maggie, dont l’appareil photo saisit l’indicible. Une ride, une larme, une cassure.
La force de Ron Rash réside dans son aptitude à nous dépeindre la rivière comme un être volontaire que la rhétorique laisse froide. Témoin des douleurs des uns et des autres, la Tamassee accompagne parfois les discours, pour mieux les briser ensuite. Elle demeure sauvage, au sens le plus vrai du terme, insensible aux fantômes qui planent sur son lit. Belle et rebelle.
Les personnages, loin d’être manichéens, sont dépeints avec toutes leurs contradictions, laissant au lecteur le soin de choisir son camp. Un texte subtil, profond, bien au-delà d’un militantisme écologiste aveugle qui montre et démontre avec intelligence combien les apparences peuvent tromper. (sbr)

9782021109849FS

 

 

 

 

Le chant de la Tamassee, Ron Rash, Ed. du Seuil, 234 p.